AILLEURS SI J'Y SUIS

 

J’ai pris la tangente.

 

Je me suis tirée de là.

 

J’ai enfilé la E334, gobée comme un additif alimentaire.

 

Heureusement, sur la route, il y a ces grands panneaux avec de beaux dessins tracés de blanc tout du long qui donnent à voir les belles choses de la France.

 

Les monastères, les églises du XIIe, les saumons qui remontent les rivières, les parcs naturels…

 

Ça égaye l’œil, ça occupe.

 

Ça, et la radio.

 

Je voulais à tout prix de la musique, mais j’ai dû m’enfiler plusieurs kilomètres de France-Culture.

 

A l’ère des ondes, il y a encore des coins de France où rien ne passe. C’est peut-être tant mieux, mais moi là, ça m’a fait chier.

 

J’aurai pu tomber pire au niveau de l’émission. Deux nanas, la speakerine et une philosophe parlaient de la virilité. Ça m’en a bouché un coin d’entendre ces filles parlé de sexe en érection. Elles racontaient que toute cette histoire de virilité, c’était du pipeau, inventé de toute pièce pour que les hommes dominent le monde. Et elles continuaient leur délire en démontrant que les hommes comme les femmes avaient un droit à se passer des stéréotypes ultras masculins (ou ultras féminins).

 

Et là, mon esprit c’est barré.

 

J’ai vu mon père.

 

J’ai vu mon père mater mon frère.

 

Lui taper sur les mains pour « qu’il arrête de faire ça chochotte ».

 

Mon frère au bout d’une corde.

 

J’ai dû m’arrêter car la sueur me coulait dans les yeux. J’en ai profité pour en griller une.

 

C’était une belle journée pour aller voir ailleurs si j’y étais.

 

J’avais juste pris un sac de fringues. Je lui avais laissé le reste.

 

Maintenant, il allait falloir bifurquer sur la nationale et attaquer une jolie série de virages.

 

Le paysage allait changer, ma vie aussi.

 

Le soleil faisait revenir le champ de blé coupé comme des petits oignons rissolés.

 

J’étais bien là, au soleil. Je ne savais pas encore ce que j’allais faire, ni ce soir, ni demain.

 

Ce qui était sûr c’est que j’étais là et pas ailleurs.