Comme ainsi les traces dans le ciel s’effacent, s’évaporent nos mots passent dans l’azur, s’accumulent et retombent en pluie. Abreuvent-ils ?.

Journal d'un confinement

Le minuscule a eu raison de nous. Nous qui avions peur que le danger vienne du ciel, le voilà volatile, invisible à l'oeil nu, nous terrant mondialement, dans nos cases, nos casbahs, nos yourtes, nos buildings, nos pavillons en attendant d'y trouver remède.

Nous voyant fort dépourvus, l'association Tisseurs de Mots inventa un atelier d'écriture nommé "le journal d'un confinement", lien entre écrivant au-delà de nos murs encerclant.

Vous trouverez dans ce lien les consignes d'écriture.

 

16 mars 2020

Il l’envoie rouler à terre avec dégoût.  Pourra t-il y avoir offense à écrire ces mots ?  N’est-ce pas un expérience, moralement éprouvante et qui vous place dans une situation complexe, mais qui vaut d’avoir été vécue ?

Et le téléphone sonne sur un air de Corona.  Sujet de choix pour demander de nos nouvelles et revenir insidieusement dans nos vies.  Comme si, de toute façon, il avait pu en être totalement exterminé !

Pendant ce temps, les gens dévalisent  les pâtes, les gants, les masques et le thermomètres.Ils congèlent leur vie et leurs pains en attendant le grand sermon du soir avant se coucher comme ça, ils feront de jolis cauchemars .  

 

17 mars

Il fut pris de vertige en sortant de cours. Il chercha un endroit pour s’asseoir et ne pu aller plus loin qu’au pied du grand arbre, celui qu’on appelait “le mage”, au centre du campus.
Il s’installa, le dos contre et regarda les grandes ramures se balancer au vent et jouer avec le soleil. Il n’aurait pas dû passer sa nuit à lire “Crime et châtiment”. Une sorte de malaise s’était installé en lui qui l’avait poursuivi toute la journée.

Le QG de mon confinement est un canapé (très inconfortable) d’à peine deux mètres de long. Sur mes genoux, l’ordinateur, pour les temps de travail (meets, mail, drive..) à gauche, ce qu’il faut pour écrire. A droite, mouchoir et téléphone (Sms, WhatsHapp, messenger…), un verre d’eau pour humidifier la gorge sèche.

18 mars

Je passe mon chemin en me tenant bien à un mètre de distance de tout mot, loin du caviardage indiscret.

19 mars

La première partie commence ainsi: “Elle a un con !” et on ne nous épargna aucun autre détail d’elle même, ni de sa vie, comme celle d’avoir vécue à 19 ans, sa dernière année d’adolescence. Ainsi, l’année 2019,  fût pour elle, la pire des années qu’il soit.

Elle a enduré toutes sortes d’épreuves et il est hors de question qu’on ne lui en supprime une seule. Ainsi fut sa vie, cernée de toutes parts par le chaos. C’est pour cela qu’elle aime les chiffres pairs, signes d’un état heureux, d’une existence pacifique.

20 mars

Les premiers textes de ce recueil appartiennent à la période difficile du début de ma carrière d’écrivain. Apparemment, les périodes difficiles ponctuent la vie des gens et des écrivains aussi, sans doute: La mise en chantier d’un ouvrage, son aboutissement et le désarroi qui s’en suit. La course à la publication et dans le cas de cet admirable auteur, des critiques virulentes dont-il a dû se justifier. Le titre “Pourquoi j’écris ?” n’a, pour l’instant, pas beaucoup de liens avec le contenu. Mais n’est-ce pas là, le questionnement de tout écrivain sensé ? C’est pourquoi l’absence de réponse gouverne le monde.

On nous a dit qu’il allait y avoir des effets psychologiques au télétravail. Oui. La culpabilité.  Ne pouvant me concentrer 7h par jour devant mon écran, sans avoir le corps criant “Oh secours !”, ayant un cerveau très dé-concentrable, je n’arrive, ni plus ni moins à travailler que (allons, soyons fous) 3 à 4 heures en réalité.  Le plus enrichissant de mon travail étant le lien social, me voilà à téléphoner aux personnes régulièrement. Mais je ne peux les appeler, sciemment plus que leurs enfants !  Je me sens coupable de ne pas assez écrire, pas assez lire, je me dis : profite, profite de ce temps de confinement !  Mais si je me jetai comme une tigresse affamée sur mes penchants, le télétravail brandirait devant moi son doigt accusateur: Hé bien, ma p’tite dame, tu es payée pour quoi faire ? Pour trier les dossiers de mon ordinateur, pour meeter avec dix autres personnes qui n’ont rien à se dire. Le manque de sens de mon travail est encore plus flagrant en ces jours étranges. Sûrement que l’absence de sens doit gouverner le monde.

21 mars


Tu me dis qu’écrire pour être lu et écrire pour un public sont deux choses différentes. J’y ai réfléchi. C’est vrai. Je n’écris pas en pensant à un public, à plaire ou déplaire, à être approuvée ou à choquer... L’acte d’écrire est un jeu, un dialogue entre ma tête et ma main, un acte solitaire fait de ma chair, mon sang et oserai-je dire, de mon âme ?. Parfois, je pense à quelqu’un en particulier lorsque j’écris, j'écris pour, à l'intention de cette personne ,et j’espère que cette personne lira mon texte ou bien qu’elle ne pourra le lire !                               

Mais oui, j’écris pour être lue, puisque je vais faire attention à la sonorité des mots, au claquement des phrases, au style. Je me dis que peut-être ce texte rejoindra la personne à laquelle j’ai pensé en l’écrivant et si d’autres encore peuvent être touchées par mes mots, alléluia ! En fait plus j’écris, plus je me dis que j’écris pour peu de monde (ça tombe bien, peu de monde me lit). Je dirai même que j’écris sans doute pour une seule et même personne le plus souvent ou pour quelques proches. Ai-je pour cela une écriture très confidentielle ?  

22 mars

Folie passagère
désirs tordus
circoncis de fonds de placards

Cache-cache des mains des doigts des lèvres
Messages d'une caricature
Secrets de vieil amant

Mots de fureur
pudeur sacrée
Autel des désirs refoulés

Ne nous cachons pas la face
nous ne sommes que des humains.

23 mars

Dehors

rien n'effleure

ne frôle

ne produit le trouble

rien n'arrive d'enivrant, d'attirant

rien

zéro.

 

Les regards acérés

on s'évitera de trois ou quatre mètres.

On se donnerait presque, de grandes frappées de battoirs

histoire d'y voir plus clair

sur nos trottoirs.

 

Ivre

tu te faufileras

tragique fourmi microscopique

fragile et vulnérable

entre les crabes

 

Rien 

zéro

dehors.

24 mars

One

 

Elle se présentait tout en jambes, une bretelle de sa chemise de nuit, tombée de son épaule.

Ils se pressaient l'un contre l'autre devant la vitre trouble de la porte du salon.  Elle apparaissait comme dans un brouillard, ses doigts glissaient sur les cordes, le violon posé entre ses cuisses. La fente de sa bouche semblait s'ouvrir et se refermait. Elle chantait tout bas.

Bill triturait le sparadrap de son coude. Il commençait à se décoller. Mick avait défait ses lacets de tennis à force de les tortiller.

Le ventilateur électrique tournait lentement sa face d'un mur à l'autre, elle avait les cheveux en bataille et la tête rejetée en arrière.

Ça, c'est ce que pouvait voir Mick depuis le trou de la serrure et il le chuchotait à Bill qui avait enfin atteint la croûte sous le sparadrap. Il l'arracha et laisser échapper un gémissement de plaisir.

Two

 

Elle me dit "regarde le ciel, et c'est extraordinaire, pas la moindre trace d'avions". C'est vrai. Je lève la tête. Je suis dixième dans la queue sur le trottoir devant la poste. Une solitude à un mètre de distance minimum d'une autre solitude. J'ai une boule au ventre. Les rues vides. On dirait une peinture de Hopper. Je sens monter en moi l'angoisse. Personne ne parle, sauf les oiseaux, qu'on entend enfin. Moi qui me faisais une joie de sortir, me voilà avec l'envie de détaler dans mon antre. Les gens se contorsionnent pour qu'aucun des autres ne s'approchent. Certains portent des écharpes comme des gangsters, d'autres des masques de ninjas. Je ferme les yeux, la gorge me serre, j'ai le vertige. Cela va être bientôt mon tour. Une heure sur le trottoir. Les flics passent autour de nous en boucle. La ronde.Le chien de ma voisine de derrière me lèche les talons. La porte s'ouvre. Je lâche un petit cri de plaisir.

25 mars

Cours !

A donf !

Le corps urge !

Ne reste pas

ego d'un soir

dans le corps cage

où le satire

l'ogre

le gougeât

qui laid, sale

fond sur toi

innocente

sous l'orage

solitaire

et t’écroue

entre les rails

d'un resto

où tu goûtes

le reste

d'une courge rôtie

et un litre de lait d'orgeat

sur un lit à la taie rose 

comme de l'eau rage

fuit sur la tôle

fine

Alors

tu sors en force

de cette comptine

enfin !

 

 

26 mars

One

 

J'aime les monstres, c'est pour ça que Nénesse, je l'ai aimé tout de suite avec sa gueule d'acier trempé et lorsque je l'ai découvert au fond du bar entrain de s'enfiler sa bière, je n'aurai jamais imaginé quelle maladie virale il avait chopé, ni qu'une grande partie du monde allait y succomber.

 

Two

Comme le vent dans les ruelles, il se répand, lui, partit de rien, petit feu de paille, il se déploie au travers de la planète et bien malin ce qui l'arrêtera car grâce au hug de Tess (Tess adore les hugs), grâce à mamie Paulette, qui ne loupera pas son thé avec mamie Huguette et Antoinette qu'elle fera sortir en regardant bien à gauche et à droite de la rue si aucun poulet ne f actionne et aussi le voisin faisant fît de tous ces connards de la télé et de la radio, de tous ces professeurs de mes 2 qui racontent vraiment le tout et son contraire, ira jusqu'à inviter tous ses potes vendredi soir dans son 22 m2 et donc voilà pourquoi longue vie au Corona.

27 mars

Il venait juste de s'endormir

la boîte aux lettres dépouillée de l'intéressant 

se leva avec lassitude 

la main contre la gorge  il frissonnait

 

le parc nu

il froissa quelques feuilles

l'herbe en fleurs

il éclata en sanglot

la basilique en splendeur

dix pompes sur les pâquerettes

ne tenaient plus en place

tournant dix fois autour du parc

se pavanant se secouant

s'asseoir et s'adosser à son arbre

elle s'enfuirait

prendre le soleil comme un dû

en se promenant dans les rues, elle chantait

se glissait dans les jardins

la douceur de l'air

rester sans voix.

28 mars

Traverser

rue principale

silence

 

Saisir

visage

derrière palissade

 

heure 

épaisse figée

aigu de lumière

 

être assise dans jardin

lire

 

entendre cliquetis

gémissements mélodieux

harmonica jouant du blues

 

Tenir solitude sur fil du rasoir

 

rester

solide

 


29 mars

-Tu pourrais éviter de compter en All'mand, ça m'fout l'bourdon !

John-Henri sortit de la pièce et continua son jeu stupide derrière la porte fermée.


- T'aurais une épingle pour que je l'entende tomber ?

- Pour quoi ??

- ....

- Tu sais, on est pas sûr de ne pas avoir une deuxième vague....

- Je crois qu'on a été éduqué trop coincé du cul.

- Ah ben, c'est nous deux ou rien.

Son regard s'assombrit, elle retourna à son fourneau.

- J'adore la bouffe visqueuse parc'que ça descend plus vite et t'as l'impression qu'ça glisse jusqu'à la sortie.

- Moi, quand c'est visqueux, ça circule pas dans l'même sens que les autres.

Elle hésita

- j'suis un peu deg...vous aimez pas trop c'que j'fais.

- Allons, t'as un sacré mental comme nana ! 

Elle continua lentement de touiller.

- On est des fantômes...

- Bah, tu sais bien quand j'te dis d'mourir sereine, c'est tout l'bien que j'te souhaite !

Elle l'embrassa.

- Bonne nuit, gros lard.


30 mars

Tu ne peux inviter personne.

Tu (te) protèges.*

Tu ne feras pas la fête.

Seule, tu boieras ta bière, ton café, ton tilleul.

Tu ne lancera pas l'invit' pour un apéro Grenouille, ni pour les 10 ans des Tisseurs. Rien.

Tu n'inviteras pas ton voisin à passer le pas de la porte. 

Tu ne prépareras pas la chambre d'amis.

Ni celle des enfants.

Tu n'invites pas. Pourtant ta maison n'a jamais été aussi bien rangée. Ce qui traine encore, les livres, les papiers, les stylos, sont les seules choses que tu uses chaque jour.

Dans la cuisine, on fait des gâteaux, mais aussitôt fait, on nettoie, on a le temps. 

On ne les mange que tous les trois. On invite personne.


* Clin d'oeil à Ben Mazué

PS: Nous avons, bien entendu, la chance d'être 3 à manger les gâteaux.

31 mars

Ce n'est pas une blague.

On ne sait pas quoi faire

et bouger ne sert à rien

oui le corps sans doute un peu

pour ne pas qu'il s'encroúte

mais bouger pour aller vers

bouger pour entreprendre construire sauver

non

Il nous faut rester

chacun chez soi.


On prend note

on écoute

le chant des oiseaux

notre coeur qui bat.


on regarde

les écrans à ne plus pouvoir fermer les yeux

on bricole

deux trois trucs pour occuper les mains

on astique à n'en plus finir

on patine, on sculpte on chante 

on danse même.


On fait du Pilate au milieu du salon en regardant l'écran d'un oeil pour ne pas louper les gestes et le changement de position.


On essaie d'évacuer les mauvaises pensées 

parc'qu'on se dit

là, là, si on y pense, on est mort

ça nous arrive un peu que ça déborde des yeux

ça coule sur la figure alors on se torche avec la main.


On a beau brasser télé- travailler

on ne mouline que du vent

on le sent.


Ce qui est bien parfois, c'est qu'on rassure

d'autres

et que d'autres nous rassurent.

On est une chaîne humaine.

On se dit à l'oreille de nos appareils :

Tient.


Pourquoi tenir ?

on se demande.

Pourquoi continuer ?

on se demande.

Pour la beauté. Yeah !

La beauté de certains mots

de certains gestes

qui sont comme des caresses

dans nos vies d'assoiffés.


L'énergie de certains

qui nous rempli soudain.

Et oui, on se lève chaque matin

presque

on dort bien.


Alors

on continue cette vie surprenante

on sort de la pharmacie sans masque

on descend juste de la bascule

on pèse nos 80 kg

on l'aime.





1er avril

Cymbalaire des murailles
Cymbalaire des murailles

Tu t'enracines dans le dur

Tu as trouvé accroche dans ce qui ceint.

Au creux des pierres

tu ne fais qu'un.

Carapace de tes richesses et de tes failles.


Pourtant

délicat

quelques lobes tremblant au vent

en légère dépression.

Solitaire

sous tes longs pédoncules

tu vibres a l'air pur

et parfois

au soleil

tu t'aventures

d'un air de fanfare.

2 avril

Tenir
devant panneau BRIOUDE
barré de rouge
comme interdiction
d'aller plus loin
pour aller faire ces bêtises
que je ne raconte pas dans ce journal.
Ce qui s'écrit là
me semble l'incertain
le tenir dans la paume
en sachant que je peux
l'éclater comme un moucheron
en claquant des mains et puis
chaque nuit tenir au plus loin l'éveil
sachant sûrement qu'il est toujours plus tôt qu'on ne le pense.
Peine perdue
une autre bataille s'engage
une lutte avec les ombres
qui durera aussi
le jour
devant l'écran abrutissant
pour tromper l'angoisse
alors
le plus longtemps que je puisse
envoyer
/à ceux qui la vive encore plus fort/
la matière pour écrire
ces jours étranges
debout.

4 avril


A l'aube, l'entrefilet d'une pâle lumière et déjà les oiseaux emmêlent leurs voix de concert avec au loin le bruit de ceux qui continuent à ramasser nos poubelles.

De là, je ne vois que les toits de ma ville. Je la fais mienne en ces jours où je suis la plus libre de la vivre.

Je n'ai pas besoin de tous ces humains. Je m'en passe admirablement bien.

Non, je ne hais pas le monde entier.


Au bout du fil, sur quelques uns de mes écrans, la voix et le visage de ceux qui comptent. Je me met ainsi à trier les dossiers de mon intérieur et j'ai une bonne poubelle à jeter.

Non, je ne hais pas le monde entier.


L'espace du dedans, si vaste, de monde à monde, à cloche pied, de livre en livre, un film, une pensée, un rire. Rien ne vient agresser dans les jours sans travail le paisible quotidien.

Il me manque de combler ce besoin irrésistible d'aller plonger à la piscine dans de l'eau chlorée, mais qu'importe, je dépose mes désirs, mes peurs de...je ne sais si j'irai jusqu'au bout de... peut-être que rien, mais je ne veux rien comme avant...je ne veux pas que la fenêtre se ré-ouvre avant que... peut-être jamais. Pourtant, je ne hais pas le monde entier.

6 avril

Je dissimule si peu.

Je m'ouvre presque trop 

si bien que parfois je suis touchée au fond.

J'apprends

à me recroqueviller.


Et puis  si je ne dis pas

tu le sais

c'est qu'une vitre nous sépare.

7 avril

S'il y a bien une chose de sûre

C'est le doute.

Aujourd'hui je tranche

Aujourd'hui j'affirme.

Ça dure quelques instants

Tout au plus un heure ou deux

ensuite

je redoute

Ces quelques exceptions me font prendre quelques décisions et ainsi j'avance cahins cabas en essayant de mon mieux d'éviter les sables mouvants.

Vivre, c'est fatigant.

8 avril

Elle n'avait plus d'âge.

On la pensait pourtant sage.

d'un pourcentage suffisant

pour ne pas croire un instant

qu'elle pleurait à tout bout d'champ.

Elle n'avait plus d'âge. 

Collait des cartes postales aux miroirs.

Déchiraient celles de son anniversaire.

Portaient les petits bouts à la poubelle à carton.

Elle allait entamer la liste de ses compétences pour voir sur quoi elle devait s'évertuer de miser.

Ce serait l'unique illusion.

Elle n'avait plus d'âge.





9 avril

Tu m'autorises, Brautigan

à décoller vers Babylone

dans le road-trip de ton cerveau ?

C'est rodéo street

on se promène au milieu de la chaussée

sans personne à des kilomètres à la ronde

étonnés

les oiseaux entonnent

des opéras de strauss

certains choisissent plutôt

du Donizetti Gaetano

c'est rock'n roll

comme OPA

y'a même pivert qui fait solo

faisant la nique aux Lamborghini

la loi du plus fort

est gagné cette fois par les minos

C'est ballot, hein, mon gros ?

11 avril

Carson Mc Cullers
Carson Mc Cullers

Cassée

entre fils tissés

ajourés

où se superpose

le paysage de son visage

pâle

celle qui troue la nuit

de son regard

elle qui écrit

nouvelles après nouvelles

en blanc et noir.


Nous juxtaposons

nos solitudes au dessus

de nos solitudes

en couches.

Mille feuille de vies sous le soleil.

La ville s'écrase.


Ça gueule dans la rue.

La femme voilée-masquée

comme le shampoing 2 en un

longe le mur et aboit

sur deux clampins des nu)d)é(e)s de masques.


Allons un peu plus haut

prendre une goulée d'air

loin

voir les collines

tendres vertes et jaunes.

La nature

elle s'en fout

elle ne nous attend pas

elle explose

elle s'offre

cadeau Pascal

ivre de joie

puisant les eaux aux sources vives*

Indifférente à nos peurs.


Voilà que ça braille encore

d'une fenêtre ouverte

CAROLINE, JE T'AIME !


Nous ne sommes que des radeaux

si nous ne coulons pas

où irons nous nous échouer ?


* Cantique Is.12

13 avril

On a parlé une heure avant de nous y mettre. Il a fallu le convaincre. Avec lui, c'est tout en douceur, faire croire que l'idée vient de lui. 

Je fatigue parfois, mais je me dis qu'au moins, je sers à quelque chose ici. Si j'étais resté dans mon appart, je n'aurai servi qu'à moi-même et lui, aurait été tout seul.

Ils ont fermé l'île, et ça, ça m'a saoulé, j'ai trouve ça complètement con, du coup, je ne sors que dans le jardin.

Je regarde les vidéos et je compare les covers, y'en a pas un qu'ait une âme. 

Pour le loyer de l'appart, je pense que je n'ai pas à m'inquiéter, mais tout de même, je ne sais pas comment se passerons les prochains mois.

Sûrement que je vais passer 8 mois ici. J'irai bosser juste après.

J'espère que cette vidéo sera remarquée, c'est un peu un rêve qu'il la regarde, pas vrai ?

Pas de retour d'elle, ni d'elle. J'essaie de ne pas m'en formaliser, de ne pas me recroqueviller, tant pis, je matche quelques nanas, je fais mon chacal, ça me fait du bien.

L'ennui était si grand !
L'ennui était si grand....
Il n'avait plus le droit de travailler.
Dans son 20 m2, une table, un lit, une chaise et une armoire.
A peine de quoi s'acheter à manger.
Mais le pire n'était pas là.

L'ennui était si grand !
Un jour il prit un coup de sang. Il pris sa brosse à dents, descendit 4 à 4 l'escalier, atterrit dans la ruelle qui menait au pont, se mit à frotter la mousse entre les pierres.

Le président avait parlé, il avait tout l'été pour brosser le pont que personne jamais ne passait à par les chiens errants. Pas besoin d'attestations, au pire il se jetterait du pont.

J'ai un rêve

je marche

dans la rue

le ciel est plomb

des jours et des jours

de confinement

tu viens de m'appeler

j'ai descendu 4 à 4 les escaliers

je tourne à l'angle de la rue

une bourrasque

et

la pluie

battante

drue

frappe

se mélange à l'asphalte

imbibe

les pierres

s'immisce

trouve la terre

l'abreuve

déplie

fleurs et plantes

je suis trempée

pas eu le temps d'ouvrir un parapluie

je vois ton visage au travers

de la vitre du café

entre gouttes.

 

V

15 avril

L'étreinte de Pablo Picasso
L'étreinte de Pablo Picasso

Debout l'un à côté de l'autre

un rideau bleu comme une chute d'eau.

Il lui écrivait quand il se sentait désorienté ou triste.

Nus, ils pleurent, les pieds sur le marbre rose.

Il allait chaque jour poster la lettre mais il n'osait jamais.

Elle, le plein du ventre.

Il aimait façonner les mots sur le papier comme avec une lame d'argent.

Lui, le sexe au repos entre ses cuisses à elle.

Il lève le poing et dit qu'il y a un secret entre eux.

Les nuques courbes.

Tout en le sachant sourd, elle croit qu'il comprend la musique.

Elle le console tendrement.

17 avril

Corps on a

et on essaie de l'oublier

mais Satan !

il est toujours là.

 

Corps on a

pas choisi

pas aimé

peut-être si

des fois

en ventre rond plein

ou au paroxysme

de l'extrême oubli de la jouissance.

Corps on a

comme feuille de salade le lendemain

fripée, recroquevillée

que même la sauce ne relèvera pas.

Corps on a

et on fait mine de faire avec

on évite les miroirs

les vitrines et les mares.

Corps on a

enveloppe

prêt à timbrer

pour une destination sans mystère.

Corps on a

tordu souffrant

piqué entubé plâtré

asphyxié entrouvert

recousu

des plaies des bosses des furoncles

des boutons cicatrices

rougeurs mycoses

des...

Je n'aurai jamais assez de pages pour tout énuméré.

Corps on a

en gestes d'amour

de tendresse

en caresses

Corps on a pour aimer

.

19 avril

Lorsqu'on est vieux nos pas s'articulent à une certaine cadence et l'on mesure l'art à distance, ce qu'il nous reste, rien. Pas d'inquiétude, de traverser, se promener nue, penser à toi, heureuse de retrouver la pluie, regarder ta photo, et ne pas avoir envie de t'écrire.

Se parfumer tout de même :

- prends en de la graine !

- Pas le temps, j'ai deux Star Wars qui m'attendent.

- Tu sais, je me lave en faisant mon pain.

- Apprends ça à Mathilde, elle va kiffer.

- Non, les lions ne parlent pas aux brebis,

Ce qui tremble : les gloussements rauques et les crachotements.

Les mains jouissent pendant que la tête pense.

J'te l'ai déjà dit: Prends en de la graine !

23 avril

J'ai décidé que ce serait aujourd'hui la dénonciation de tous les bienfaits de ce confinement : une pause dans ma vie, un espace pour faire mon deuil, un lieu pour pleurer, des moment d'amitié l'oreille collée au téléphone à se dire des mots qui rapprochent et puis entendre les oiseaux chanter, les voir faire leur nid; marcher au milieu de la route sans peur, sous un ciel bleu ou une pluie fraîche; croiser des gens,qui d'habitude ne me regardent pas et rencontrer leur regard, entendre leur bonjour, voir leur beau sourire; visiter les rues de ma ville, regarder et rire du nom des rues, voir de petits détails anodins, les photographier, prendre le temps d'envoyer les photos de plantes à Christian pour qu'il me raconte et aussi me transporte un peu à Malte sur les toits avec Luchia. Appeler chaque jour quelques uns et relire une deuxième fois plus intensément la consigne; ping-ponguer de mail en mail, comme d'habitude, en fait, mais aussi comme avant, avant ! parce que le temps s'est arrêté, on n'est plus sur les routes, on est moins fatigué, je n'ai plus mal à la nuque ni à la hanche, je dors mieux ...Véro, Véro, arrête, arrête, arrête, trop c'est trop de bonnes choses, il ne faut pas s'habituer ! Dis nous, dis nous un truc à chialer...

...et bien, juste encore une chose, j'ai hâte de vous revoir parce que vous me manquez

25 avril

JC du 25 avril


 Il fredonnerait et ne lui prêterait aucune attention.

Elle passerait dans la rue et tout serait redevenu comme avant

La vie aurait repris son cours

Les voitures à la file

Le train-train mine de rien

le stress  la course les heures qui défilent

trop vite

avec les aiguilles tic-tac toujours dans le même sens.

On entendrait des cris d'enfants dans les cours et les écoles

Ce serait bath

Mais elle aurait pourtant voulu qu'il y ait un petit changement

un raté dans le crénelage

un déraillement de la chaîne qui nous force à regarder le paysage

et peut-être qu'enfin

qu'il lui prête attention et qu'il continue à lui dire bonjour

comme pendant le confinement.

26 avril

Prendre de ton eau de mes mains en coupe

fraîche - ayant ricoché de pierre en pierre - Venant du Merdant ou du levant...

Trainer aux terrasses de tes petits cafés avec de ces gens animés par les mains par les mots. Longer tes jardins fleuris, tes pentes vertes aux lamas doux et tranquilles.

Aller jusqu'à la chapelle -  ne pas prier, juste s'ancrer au côté des morts - six pieds sous terre et âmes dans le céleste de nos crânes effervescents.

Retrouver la rivière

Y planter les pieds

Se rappeler les jours musiques

les sculptures en galets

le chant des lavandières

des silhouettes fugaces annonant des prières

zigzaguer jusque chez Charlie poussée par le chant des oiseaux, le bruit de l'eau, ce printemps qu'on me vole - maintenant.