les textes poétiques

Bien sûr, on aurait pu s'imaginer juste sur l'instantané, être dans un pays humide et chaud avec le lagon en toile de fond et pourquoi pas s'attendre à ce qu'à la tombée de la nuit, le cri des singes hurleurs amplifient cette impression et on se dirait là que c'est épatant de se retrouver, peut-être, pourquoi pas, en Guyane, sans doute parce que les racines des arbres tortueuses, semblant rejoindre l'eau claire du lagon nous donnent une vision naïve de l'Amazonie, où nous croyons ( nous en sommes quasi sûrs, parce qu'on a vu des reportages), que la vie foisonne, qu'elle atteint là, une sorte de paroxysme, une espèce d'orgie de vie qui nous happerait, nous entortillerait, nous mordrait, nous ferait disparaître, embranchés, enliseronés, enlianés, avalés par une végétation, une nature plus forte, plus habile que l'homme, tellement habile qu'elle fait écrouler nos murs, lézarde le béton, qu'elle fend l'asphalte, qu'elle bazarde leurs ponts, qu'elle nique leurs pesticides et que l'homme n'est qu'un pet de mouche dans l'histoire, la GRANDE Histoire de la nature et bien que nous ne sommes là que dans un petit carré bourguignon où les corbeaux croassent sur trois fils suspendus, où les clochers ding dong le goûter de cinq heure et les insomnies de nos nuits, où les platanes s'enracinent au plus loin du centre de la terre, où les abeilles deviennent bleues néons parce qu'elles butinent leur putain de maïs hybride que nous rêverons tous dans nos maisons payées à crédit avec des travaux à n'en plus jamais finir jusqu'à ce que mort s'en suive, alors que nous avons la terre entière à porté de main, à porté de jambes, pour partir et rêver et que nos rêves ressemblent à ces nuages gris-plomb parcourant  la terre, passant au-dessus de la tête des pygmés aussi bien au-dessus de ceux qu'on a envie de serrer dans nos bras avant  de mourir et c'est à ce rêve là que je m'accroche comme aux racines de l'arbre tentant de rejoindre la rivière, d'étancher sa soif et pourquoi pas, d'un jour aller goûter la mer.